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CITOYEN HMIDA
15 novembre 2018

DÉCRIRE LA MISÈRE ou ECRIRE SUR LA MISÈRE ?

Lecteur boulimique, mais sans préférence spéciale – sauf la langue, le français -, je peux me targuer d’avoir lu à peu près tout ce qui m’est passé entre les mains et qui ressemblait à un livre. Mais je n’ai pas souvenir d’avoir jamais lu une déclaration aussi……(j’hésite à trouver le qualificatif, je vous en laisse le choix, à votre convenance et à votre humeur) que celle de Abdelhak NAJIB, reprise dans la préface signée par Yves CHEMLA de son roman “LES TERRITOIRES DE DIEU“, publié chez les éditions ORION en décembre 2017.

Voici cette déclaration :

Je suis un grand lecteur des œuvres françaises, allemandes, américaines, russes et japonaises“.

Il ne nous précise pas s’il a lu ces œuvres en version originale…Mais passons car il ajoute :

“De nombreux auteurs , poètes et philosophes ont marqué mon apprentissage: Je dois beaucoup à des écrivains comme Proust, Camus, Sartre, Montherland, Rimbaud, Mallarmé, Char, Goethe, Kafka, Mann, Hesse, Grass, Dostoïevski, Soljenitsyne, Pouchkine, Miller, Durell, Melville, Whilman, Joyce, Woolf, Shaw, D.H.?L. Lawrence, Keats, Hikmt, Kamal, Mounif, mais aussi des figures comme Montaigne, Shakespeare, Cervantès, Pascal et des grecs comme Héraclite, Eschyle, Sophocle, Parménide sans oublier de grands auteurs arabes comme Adonis, Mahfouz, Al Kouni et d’autres”.

Il aurait pu s’arrêter là, mais Abdelhak NAJIB en remet une couche ;

“Aujourd’hui, il y a des auteurs comme Jim Harrison et Paul Auster qui me touchent, tout comme Cormack, McCarthy ou Colun Mc Cann.”

Devant cette avalanche de références littéraires, je me suis dit, enfin un auteur marocain qui a lu et qui par conséquent saura écrire!

Une introduction, rédigée par Hajar MOUSSAKLIT, est censée nous donner quelques éclaircissements sur le travail de Abdelhak NAJIB : ” La sensibilité de l’auteur, sa démarche esthétique et le continu du récit correspondent à la même dynamique esthétique et philosophique des auteurs qui habitent en épigraphe ou entre les lignes le récit” et Hajar MOUSSALTI de citer : Rimbaud, Sade, Goethe, Lautréamont et Black qui auraient en commun : “une assomption d’une étrangeté et une sensibilité qui s’inscrit dans une démarche disloquante, une démarche qui s’élève contre un conformisme, une esthétique, une philosophie, une spiritualité linéaire et totalisante.”

J’avoue que je n’ai pas été plus éclairé, mais plutôt intrigué…Qu’allais-je découvrir dans ce roman?

L’ouvrage de Abdelhak NAJIB étant flanqué d’une postface signée par Mounir SERHANI, j’ai décidé de la lire avant d’entamer ce roman qui s’annonce passionnant d’autant que l’auteur est déjà écrivain confirmé, journaliste, critique d’art et de cinéma, chroniqueur et animateur-télé – excusez du peu, même pour un quinquagénaire bien conservé.

Et là, j’ai été prévenu : le roman de Abdelkak NAJIB, ce sera du lourd! En effet, on lit dans cette postface (page 243) cette phrase dont je vous laisse apprécier la limpidité :

“La connotation religieuse et sacrée débouche in fine sur un discours on ne ;eut lus blasphématoire qui donne, soudainement, sur l’inanité et la vacuité, emblématisées conjointement par une frasque foisonnante des personnages archétypaux dont l’existence est à la fois éparse et tragiquement inéluctable. En effet, le tragique s’illustre par un procédé narratologique à ;même de traduire ce tohu-bohu énonciatif dans le quel baigne la trame, à savoir la polyphonie intensifiée jusqu’à l’ambiguïté.”

Avouons qu’on peut être plus clair …

Mais passons au vrai sujet, le roman de Abdehak NAJIB.

Très vite, l’auteur nous situe son récit. Car il s’agit plus d’un récit et non pas un roman. Le récit de bribes de vie d’une foultitude de protagonistes qui évoluent au Hay Mohamdadi.

Quartier populaire de Casablanca, le mythique Hay Mohamadi, avec ses personnages à la limite de la caricature : le petit voyou, la prostituée belle et généreuse, le dealer, le magouilleur, la mère courage, avec son décor mille fois décrit, ses terrains de jeu maléfiques, ses ruelles sales et insalubres, ses maisons décrépies menaçant ruine, avec son ambiance particulière oscillant entre misère et spiritualité, entre moments d’orgie et moments de tension sociale et violence policière.

L’auteur semble se complaire dans l’écriture de longs passages ayant trait au sexe et aux prostituées ! Des pages entières y sont consacrées sans que cela soit particulièrement intéressant.

Il n’hésite pas à user de l’exagération pour mieux étayer sa vision misérabiliste de ce quartier, pauvre, populaire mais si riche par ailleurs humainement : “dans ce quartier et sur les deux cent mille âmes damnées qui y vivaient, on pouvait compter un ou deux qui étaient récupérables“!

AbdelhakNAJIB évoque bien sûr la souffrance des habitants du Hay Mohalmadi mais je doute fort que la jeunesse de ce quartier populaire ait jamais fait le lien entre leur douleur quotidienne et le Clair de lune de Debussy ou la Symphonie pathétique de Tchaïkovski et encore moins avec l’Adagio of Strings de Samuel Barber.

Je reconnais que le tout est bien écrit, ce qui est rare chez nos auteurs francophones mais manifestement ce texte n’est pas destiné à nos compatriotes, même les plus réceptifs à ce genre de littérature, mais à un public occidental.

Cet ouvrage aurait par ailleurs gagné à ne pas être trop “présenté” au lecteur par les trois obscurs plumes qui ont signé la préface, l’introduction et la postface. La rencontre avec l’auteur aurait été directe, sans intermédiaire et l’appréciation de son travail plus spontanée.

Donc, à lire par curiosité intellectuelle et aussi parce que l’écriture en est fort bien tournée.

P.S. : Décidément, ce n’est pas de chance, mais encopre une fois, je tombe sur un roman marocain qui porte le même titre qu’un roman paru sous une autre signature chez un autre éditeur : “LES TERRITOIRES DE DIEU” de Marie-Pierre de BRISSAC paru chez FAYARD en 1977. Abdelhak NAJIB qui a tout lu aurait pu relever cette anomalie.

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